in ,

« J’ai été maltraitante » : les mots forts d’une sage-femme qui lance une pétition

Crédits : iStock

La crise sanitaire du coronavirus a permis de mettre en lumière le manque de moyens dans les hôpitaux français. Il s’agit d’un véritable problème que le personnel médical a porté dans les rues à travers de nombreuses manifestations, bien avant la Covid-19. Forcément, dans de telles conditions, la prise en charge des patients n’est pas optimale et des erreurs peuvent alors survenir. C’est justement ce que déplore Anna Roy, sage-femme, qui est notamment à l’origine d’une pétition afin de mettre un terme aux maltraitances que les soignants font parfois subir aux femmes qui accouchent, malgré eux.

Une maltraitance involontaire

Se lancer dans une carrière médicale, c’est faire le choix de venir en aide aux patients et de devenir une figure de soutien. C’est d’autant plus le cas pour les personnes qui décident de devenir sages-femmes et d’être ainsi aux premières loges des naissances. Il s’agit en effet d’une place importante qui nécessite autant de réactivité que de bienveillance et d’écoute. Or, cette véritable vocation ne peut être exercée que si les conditions et l’environnement sont favorables. Malheureusement, il semblerait qu’en France, l’accueil fait aux femmes sur le point de donner naissance et aux nourrissons eux-mêmes ne soit pas optimal, justement à cause d’un manque de moyen et de personnel.

C’est d’ailleurs exactement ce que dénonce Anna Roy, sage-femme à la maternité des Bluets, à Paris, qui dresse un portrait alarmant de sa profession qui lui tient tant à cœur. Elle explique que le déclic lui est venu en postant sur les réseaux sociaux une photo visiblement anodine d’elle en pleine garde. Il s’agissait d’une photo chargée de souvenirs d’une nuit particulièrement difficile, comme bien d’autres malheureusement. Ce soir-là, Anna Roy accueillait un couple sur le point de devenir parents et pour qui tout semblait aller en apparence. Seulement, elle a réalisé que le rythme cardiaque du fœtus n’était pas bon et qu’il faudrait alors rapidement passer en salle d’opération pour pratiquer une césarienne. Cependant, dans un même temps, la salle d’attente était pleine, entre les accouchements déjà en cours et les urgences. Il fallait agir vite et malheureusement, dans ces conditions, il était difficile de faire preuve d’empathie et de bienveillance. Elle explique : « Je me souviens ne pas avoir pris en charge la douleur de cette femme qui venait d’avoir une césarienne. Je l’ai laissé traîner dans des serviettes hygiéniques trempées de sang que l’on n’a pas pu changer, ni moi, ni les infirmières, ni les aides-soignantes qui étaient présentes ».

accouchement femme malade souffrance maladie naissance alitée hôpital
Crédits : iStock

Un constat difficile à assumer

Forcément, ces mots sont difficiles, surtout pour quelqu’un dont le métier représente beaucoup. Anna Roy affirme d’ailleurs qu’elle a mis beaucoup de temps avant de les prononcer. Pourtant, c’est ainsi qu’elle le ressent : elle a été maltraitante malgré elle. En effet, à travers ce témoignage poignant, Anna Roy dénonce les conditions dans lesquelles le personnel soignant doit travailler.

Pour elle, il est nécessaire de complètement revoir le système afin que les futurs parents ainsi que leurs enfants soient accueillis dans les meilleures conditions possible. Elle propose notamment une règle simple qui consiste à attribuer une sage-femme à une femme en salle d’accouchement. Cela permettrait ainsi de se consacrer entièrement à une seule patiente tout en se dégageant un peu de temps pour gérer les éventuelles urgences. Selon Anna Roy, actuellement, les sages-femmes peuvent parfois gérer jusqu’à trois femmes en même temps en plus des urgences. Or, cette situation entraîne inévitablement de la maltraitance à cause du manque de temps.

Pour vraiment se faire entendre, Anna Roy lance une pétition adressée à Olivier Véran. Elle est épaulée par Clémentine Sarlat (productrice du podcast La Matrescence), Clémentine Galey (productrice du podcast Bliss), Agathe Lecaron (journaliste et présentatrice de La Maison des maternelles sur France 5) et Alyson Cavaillé (créatrice de la marque tajinebanane).

Accoucher dans de meilleures conditions

Cette règle simple de « 1 femme = 1 sage-femme en salle de naissance » est, selon Anna Roy, déjà appliquée dans certains pays, notamment le Royaume-Uni. Pour cette sage-femme, il ne s’agit pas du seul problème, même si cela permettrait de réduire nettement les maltraitances envers les femmes. Les conditions doivent également changer en ce qui concerne la prise en charge de la grossesse plus généralement.

Ce cri du cœur d’Anna Roy a très certainement été accéléré par la crise sanitaire actuelle qui rend les conditions de travail des soignants encore plus difficiles.