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Témoignages : les voix se libèrent autour des violences obstétricales

Crédits : iStock

Depuis plusieurs semaines, le débat autour des violences obstétricales refait surface et de nombreuses femmes osent enfin en parler sans tabou. Le terme de violences obstétricales n’est pas vraiment défini, mais pourrait se traduire par des violences que des femmes subissent de la part du personnel soignant. Il peut s’agir de violences verbales comme de violences physiques. Dans certains cas, les médecins eux-mêmes ne pensent pas mal agir, mais suivent des règles strictes et des procédures bien précises, ce qui a tendance à enlever toute dimension humaine. Les patientes ne se sentent alors plus maîtresses de leur corps et peuvent même avoir l’impression d’être maltraitées. 

Malheureusement, la société réalise à présent, et donc un peu tard, que ce genre de violences sont en fait devenues la norme et que dans le feu de l’action de nombreux actes médicaux sont pratiqués sur des femmes enceintes ou des parturientes sans leur accord, ou même sans leur donner d’explications. Ainsi, cet été, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes n’a pas hésité à dénoncer ces pratiques abusives et a même commandé un rapport sur le sujet.

Dans de nombreux cas, les personnes qui subissent des violences obstétricales ne savent même pas qu’elles en sont victimes et endurent donc ces moments, qui pourraient pourtant être merveilleux, comme l’accouchement. Supers Parents a donc décidé de donner la parole à ces femmes qui n’ont pas été actrices de ce moment si particulier.

Témoignages de violences obstétricales

« Il y a presque 11 ans, j’attendais mon deuxième enfant. Lors de ma dernière visite chez le gynécologue il me fait un décollement des membranes sans me prévenir. Je vous épargne la douleur ressentie et les saignements. Cet acte a eu pour conséquence la perte des eaux dans la nuit à 5 heures du matin. Avec la joie et l’enthousiasme de l’accouchement, nous décidons avec mon mari d’aller à la maternité. En arrivant sur place, je préviens que j’ai un bassin étroit et que mon bébé semble être un gros bébé. On me pose la perfusion et la péridurale, car je suis déjà dilatée à 6 centimètres. On m’injecte ensuite un antibiotique, puisque j’avais fait une infection materno-fœtale lors de ma première grossesse. Deux heures plus tard, on me fait une autre injection pour « faire descendre plus vite le bébé », selon la sage-femme. Pourtant, je n’arrête pas de répéter qu’il me faut une césarienne car je sens que mon bébé ne va pas passer. Au bout de 4 heures elle commence à s’inquiéter et me demande ma pelvimétrie. Elle bipe mon gynécologue qui n’était pas de garde. Je sens alors qu’il y a un problème. Mon gynécologue arrive enfin et demande qu’on prépare un plateau de césarienne. Lors de mon examen il me dit que « le bébé est trop engagé pour une césarienne et qu’il faut arrêter la péridurale pour pouvoir pousser efficacement et sentir les contractions ». Il précise que je vais avoir mal.

Bilan : un bassin déboîté (mon fils faisait 4,480 kg à la naissance), 5 personnes qui poussent sur mon ventre, dont mon mari, pour finalement être déchirée aux 4 coins et mon bébé est né cyanosé. Il y avait aussi un pédiatre réanimateur et un médecin réanimateur pour moi aussi en cas de problème. Je ne sais pas si pour vous cela fait partie des critères de violences gynécologiques mais pour moi oui. »


« J’étais à 20 semaines de grossesse et nous étions heureux d’aller faire l’échographie. Durant l’examen la technicienne est sortie prétextant un problème. Le radiologiste entre et s’assoit. Il commence et nous regarde froidement : « votre bébé est mort, j’appelle votre médecin, on ne peut pas laisser ça là. », et il sort. Après avoir vu notre médecin, nous convenons d’un accouchement provoqué plutôt qu’un curetage.

Le lendemain, on me demande de me présenter dans l’aile des accouchements. Nous sommes assis et attendons d’avoir une chambre au centre des salles d’accouchement d’où on entend les bébés qui naissent. On vient nous voir en nous disant qu’il n’ont pas de place pour nous. Ils nous installent dans la salle de débarra de l’étage, sur une civière. Après m’avoir administré la médication pour déclencher le travail, une préposée vient me voir pour me dire qu’elle doit me mettre sur une chaise roulante car elle a besoin de la civière. Le médecin revient et se rend compte de la situation grotesque. Il retourne au poste et exige qu’on me trouve une chambre. Le seul lit libre est dans une chambre à deux, mais le médecin n’est pas mis au courant et on me transfère dans cette chambre. Au bout d’une heure et demi, les contractions commencent et je suis toujours dans cette chambre avec quelqu’un juste de l’autre côté du rideau. Le médecin qui s’occupait de nous arrive et je le supplie de tout faire pour que je n’accouche pas dans cette pièce. Il repart et on l’entendait parler très fort au poste d’infirmière. Il revient avec la préposée et une chaise pour me transférer dans une chambre de la salle des naissances où nous sommes enfin seuls avec le médecin et notre infirmière. Au bout de quelques poussées notre petit garçon sort. Elles ont pleuré avec nous puis nous ont laissés seuls. Elles nous on remis tout ce qui a servi pour notre fils, sa petite tuque, sa couverture, son toutou. Ils ont fait des marques de ces empreintes et des photos. Nous n’aurons jamais d’explication sur les raisons qui ont amené notre fils à être un ange, mais nous ne l’oublierons jamais. »


« Ma fille était née dans mes bras et l’accouchement s’était bien passé. Mais le placenta n’est pas sorti. La sage femme a dit qu’il était possible d’attendre 30 minutes, puis elle m’a demandée de pousser mais il n’est pas sorti. Après cela le médecin, la sage-femme et la nurse ont discuté ensemble. Sans m’expliquer ni même m’avertir avant, le médecin a introduit son bras à l’intérieur de mon vagin jusqu’au sommet de l’utérus pour essayer de faire sortir le placenta pendant que la sage-femme m’appuyait très fort sur le ventre. Tout cela sans anesthésie et sans m’avoir averti avant ou expliqué ce qui allait se passer et pourquoi. Ensuite n’arrivant pas à faire sortir le placenta et comme tout cela était extrêmement douloureux, j’ai eu une péridurale. Tout juste posée, le docteur et la sage-femme ont recommencé. La péridurale ne faisait pas encore effet. Il y avait 10 personnes autour du lit : anesthésiste, médecin, sage-femme, nurse, assistant anesthésiste, stagiaire, etc. Personne a aucun moment ne m’a adressé la parole, n’a essayé de me rassurer, de m’expliquer, de me soutenir ou de m’aider à respirer calmement. Ils ne disaient rien ou alors parlaient entre eux, comme si j’étais un morceau de viande ou une vache qu’il fallait faire vêler. Je comprends que le placenta doive sortir, qu’il y ait des risques d’hémorragies et d’infections et qu’il n’y ait pas d’autres moyens que le bras pour le faire sortir mais s’il vous plaît PARLEZ à vos patientes et AVERTISSEZ nous avant de nous faire un soin très douloureux. »


« Lorsque j’ai accouché de ma fille aînée, j’avais 20 ans. J’ai eu la péridurale mais dosée si forte que j’en ai eu les jambes paralysées. Ma fille ne descendait pas, le cordon étant trop petit. J’ai donc eu droit aux forceps. La péridurale a choisi cet instant pour ne plus faire effet. Non seulement j’ai ressenti la douleur du passage de mon bébé, mais aussi celle de l’épisiotomie que l’on m’a imposée sans même m’en informer au préalable ! J’ai été recousue à vif et j’ai eu si mal que j’en ai souffert durant des mois !  Lors de la délivrance, l’une des sages-femmes m’avait tellement appuyé sur le ventre pour faire sortir le placenta que j’en ai eu une côte fêlée ! Le bonheur immense d’avoir ma fille m’a vite fait tout oublier mais je ne garde pas un souvenir merveilleux de ce qui aurait dû être le plus beau jour de ma vie. »


Supers Parents remercie toutes les personnes qui ont participé à la récolte de témoignages. Il était malheureusement impossible de tous les inclure, même si tous ont été lus avec beaucoup d’attention.